Au Wagram se trouve un tableau de bord, qui rassemble
tous les c.v. des tableaux d'Annie Abrahams. L'artiste se comporte comme
un chef d'entreprise ou un employé de l'ANPE, qui fait l'inventaire
de son dispositif et en publie le résultat.
La genèse des 126 tableaux de chaos, que l'artiste a peint depuis
1989 est une histoire en soi. On peut la résumer en disant que la
recherche de la vérité de l'artiste a abouti dans l'idée,
que le chaos, dans le sens de l'existence simultanée de plusieurs
vérités, est le seul ordre véritable et que les tableaux
en sont le résultat..
Mais une fois que les tableaux étaient là, il fallait
leur donner des possibilités de vie. Ces possibilités sont
multiples.
L'existence ne peut être que locale et fragmentaire dans le temps.
Nulle part une entité peut être perçue dans sa totalité.
Chaque situation apporte ses propres conditions d'émergence de différentes
qualités et propriétés.
Au Wagram trois tables du bar ont été remplacées
par trois autres de la même taille et 12 tableaux ont trouvé
une place dans trois ensembles, qui fonctionnent comme trois dessus de
table. C'est comme si la vocation artistique du lieu avait engendré
des mutants.
L'existence du tableau ne se limite pas à son aspect physique ou
à sa fonction, mais elle peut aussi se manifester par l'intermédiaire
de ses dérivés dans d'autres domaines. Les tableaux d'Annie
Abrahams ont une vie parallèle dans son ordinateur. Les dessins
d'ordinateur, qu'elle a fait pour plusieurs
expositions en sont des preuves. De même la bande vidéo
au Wagram dévoile une existence virtuelle des tableaux dans une
suite de transformations par ordinateur des tableaux.
En somme, dans le travail d'Annie Abrahams il pourrait bien s'agir de
la mise en état d'un modèle de survie. Une survie, qui doit
se passer par adaptation aux circonstances, par des nouvelles recombinaisons
et alliances ou par des explorations d'autres domaines d'existence.
Les tables figurent aussi dans l'exposition 'Espace
de rencontre' à Nijmegen.